Le meurtre de la parole peut avoir toute la violence brutale des guerres de religion ou des camps de la mort. Mais, il peut prendre aussi des formes insidieuses, se couvrir de toutes les apparences de la bonne éducation, des valeurs à défendre, etc. Perversion de l’ordre, perversion du second degré : ce qui devait sauver la parole humaine du mortel silence devient ce qu’il l’enfonce dans le néant. Le déluge des mots n’est que la répétition d’un malheur devenu inconscient.

Maurice Bellet, Le meurtre de la parole ou l'épreuve du dialogue, Bayard, 2006