Victimes d’abus sur majeurs: elles attendent encore que la parole se libère dans tous ses effets.

Besoin de parler pour se reconstruire soi-même ou pour favoriser une prise de conscience de la société au sujet des abus sur majeurs ? Beaucoup a déjà été entrepris, mais beaucoup reste à faire pour écouter ce qui reste encore à comprendre.

L’initiative de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise), constituée en février 2020 et devant achever ses auditions de victimes, en juin 2020, a porté ses fruits. Il n’y a pas eu de différence établie dans le recueil de la parole des mineurs et celle des majeurs. Tous ont pu répondre au questionnaire respectif élaboré, même si tous sont loin d’avoir été entendus en audition privée. Ils seraient environ 150 victimes (majeures ou mineures au moment des faits) à s’être exprimés sur un total de 4500 questionnaires complétés. Heureuse initiative envers les personnes mises en situation de vulnérabilité (art. 223-15-2 du code pénal), jusqu’à subir un préjudice à caractère sexuel les ayant marqué durablement ! Cette initiative a relayé celle de la CEF (Conférence des Evêques de France) et de la CORREF (Conférence des Religieux et des Religieuses en France) co-auteurs de la saisine de la CIASE. L’association Sentinelle a recueilli la parole de tiers. Il est des paroles de femmes ou d’hommes majeurs victimes d’abus sexuels risquant de rester dans le silence, faute d’avoir été versées au pot commun de l’enquête en cours. Elle apportera sa contribution au débat.

Force est de constater que ce chantier titanesque ne fait que soulever un infime pan du nombre total d’abus sur majeurs intervenus, depuis 1950, dans l’Eglise catholique, qu’il s’agisse ou non d’infractions à caractère pénal. La société va-t-elle se lasser d’écouter ? Les catholiques vont-ils accepter de continuer à se laisser déranger, un grand nombre d’entre eux tout à leur hâte de réparer l’Eglise et sa réputation endommagée.  Les abus psycho-spirituels y sont encore nombreux, occasionnant encore, en milieu fermé religieux ou, plus rarement, dans le clergé diocésain, nombre de traitements inhumains ou dégradants ou de mises en danger de la vie d’autrui. L’ effet d’accoutumance  a joué. Jadis, il ne fallait pas s’intéresser à l’arbre coupé, avec ou sans fracas, mais aux arbres de la forêt qui poussaient dans le silence. Alors s’intéresser aux abus sexuels commis à l’encontre de consacrés ?  La parole des personnes concernées va-t-elle continuer à se libérer ? 

Le documentaire d’Arte du 5 mars 2019 est venu changer la donne. Il a mis un coup de projecteur sur un sujet resté tabou, bien que soulevé publiquement à maintes reprises et notamment devant le Parlement européen : celui des violences faites aux femmes religieuses en milieu catholique. Ce sont encore des paroles qui ont introduit une brèche dans l’édifice de l’impensable :  avec les « révélations » au sujet de Jean Vanier, la parole de femmes victimes a contribué à démasquer certaines idoles, incontestées de leur vivant, pour avoir été confondues avec leurs œuvres, par ailleurs méritoires. Trop peu et trop tard ? Et si la parole dépendait de la qualité d’écoute, afin d’être pleinement libre et non romancée ? Non, l’hebdomadaire La Vie, dans son article « les gourous dans les couvents » de février 2001, n’a pu donner la parole aux victimes, bien incapables, à l’époque, comme aujourd’hui pour certaines d’entre elles, de parler pour elles-mêmes.  Ce sont leurs parents qui ont risqué une parole à leur place, ce qui a valu les pires opprobres aux journalistes concernés. 

Reste que le délai mis entre la survenance de l’abus et la possibilité de le verbaliser par le biais de parole,crée un indicateur significatif de sortie de crise. Pour que cesse la culture de l’abus, il faut donc tendre à ce que la parole relative à tous les types d’infractions puisse se faire entendre à l’intérieur du délai de prescription et non après le décès des auteurs de délits ou de crimes. Nous en sommes encore loin, tant la parole des victimes d’abus sur majeurs peine à se faire entendre ! Beaucoup ne pourront s’exprimer publiquement du fait de leurs conditions familiales ou de leur profession. Alors, merci à ceux qui ont osé parlé. Pour accéder collectivement aux abus du passé, la parole est bien aux victimes !

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